mercredi 28 décembre 2011

André Léo




Sur l'écrivain André Léo

"Tout jeune, pendant que je suivais les classes au lycée Condorcet (alors lycée Bonaparte), dans les dernières années du second Empire, ma mère nous emmenait, mon frère et moi, en visite chez une intime amie. Cette digne femme, veuve d'un proscrit politique, lequel avait combattu le gouvernement impérial dans la presse provinciale du centre de la France, était une femme de lettres de haute valeur. Elle venait de publier le Mariage scandaleux, roman qui avait été reconnu comme un chef d’œuvre et avait tout de suite classé son auteur à un rang élevé dans la littérature. Notre amie signait ses œuvres du nom d'André Léo, prénoms de ses deux fils, alors que son vrai nom était madame Champseix.
Elle habitait dans un très modeste appartement au 5°étage, rue Nollet, aux Batignolles. J'ai vu défiler dans cet appartement, plusieurs hommes politiques, puis une quantité de célébrités littéraires : Victor Hugo, aux yeux pleins d'expression et avec un aspect de bon vieux grand-papa ; Henri Rochefort, ironiste amer ; M et Mme Jules Simon, solennels ; madame Floquet, femme de Floquet, dont on voit la statue au boulevard Richard Lenoir ; Guéroult, député et directeur de l'Opinion Nationale, journal qui avait été fondé dans le but de combattre l'empire, et Mme Guéroult, femme charmante, très artiste ; Havin, député et directeur du journal Le Siècle ; J. Levallois, critique littéraire ; les frères Reclus, Mme Elisa Lemonnier, fondatrice des Ecoles professionnelles de jeunes filles ; Mlle Julie Toussaint et Mme Kergomard qui, plus tard, après l'établissement de la République, devinrent de hautes dignitaires au Ministère de l'Instruction publique, et encore un simple ouvrier de rare intelligence et socialiste outrancier : Benoît Malon, lequel, en 1871, fut élu membre de la Commune. Je ne peux nommer toutes les personnalités littéraires et politiques que j'ai vues et entendues discourir chez Mme André Léo, mais toute cette Société exprimait des idées très avancées sur les bienfaits de la République, du socialisme. On ne se gênait pas de parler avec mépris et haine du régime impérial, à la chute duquel on aspirait dans tout ce monde de républicains ardents. Mon frère et moi, nous observions combien d'hommes d'apparence la plus douce devenaient violents lorsqu'ils parlaient de l'Empereur".

Extraits des Souvenirs de 60 ans de vie musicale..., de Paul Rougnon

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