jeudi 22 décembre 2011

Sur les jurys du Conservatoire



Paul Rougnon se souvient des membres des jurys qui jugeaient les examens et concours de fins d'années. Il nous parle de Georges Kastner, Charles Gounod, Félicien David...

"Parmi les membres du jury qui étaient appelés à nous juger, qui aimaient à stationner et à causer dans la cour conservatorienne, je n'ai pas oublié le pianiste Henri Ravina, élégant, souriant comme ses gracieuses compositions et le musicographe-compositeur Georges Kastner. Ce dernier, gros, sanguin, avec une bonne tête d'Alsacien très colorée, sanglé dans une redingote archi-boutonnée sur laquelle figurait une énorme rosette de la Légion d'honneur, avait tout à fait l'air d'un ancien général du premier Empire, en tenue civile. Kastner, travailleur infatigable, se plaisait à écrire des ouvrages de grande érudition, parmi lesquels sa Parémiologie musicale formait un répertoire considérable et du plus vif intérêt sur les vieux proverbes, les anciennes locutions, dans lesquels la musique ou les éléments constitutifs de cet art étaient cités. J'engage ceux qui désirent s'instruire sur tout ce qui concerne la Musique, sous toutes ses formes, toutes ses attributions, à lire ce savant ouvrage dans lequel l'art musical est étudié théoriquement, philosophiquement et historiquement. Georges Kastner habitait un petit hôtel qui était situé près de la rue Blanche, dans la rue La Bruyère qui s'appelait à ce moment-là rue Boursault, du nom d'un très riche propriétaire d'immeubles dont il avait épousé la fille. Il y avait dans ce petit hôtel une bibliothèque renfermant des livres précieux, de véritables trésors, au milieu desquels vivait et travaillait cet excellent homme et très distingué publiciste.

Après chaque concours, on se montrait dans la cour les membres du jury, parmi lesquels figuraient des noms célèbres. Je vois là passer rapidement Félicien David, le compositeur du Désert, d'Herculanum, de Lalla-Rouch, avec son teint cuivré et une physionomie mélancolique et étonnée ; Gounod, avec sa belle tête de moine et ses gestes exubérants.

Un jour, après un concours de fugue, dans lequel Mlle Marie Renaud venait d'obtenir un premier prix, Gounod, avec un geste d'autorité plaisante, recommanda à ses collègues de prêter toute leur attention au moment où les élèves couronnés allaient paraître devant le Jury, afin d'entendre la proclamation de leur succès, car un phénomène allait se présenter et exciter la curiosité de tous : Une femme premier prix de fugue ! A cette époque, le fait était rarissime. Le phénomène parut sous la forme d'une charmante petite jeune fille blonde et souriante."


Souvenirs de 60 ans de vie musicale, p.43

Voici la page de l'Encyclopédie Larousse sur Georges Kastner
Un article sur Georges Kastner 

La page wikipédia de Félicien David

Le Désert de Félicien David :

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